Lorsqu'il
décrit les beautés du kayak hivernal, Sébastien Savard assure qu'il ne
«chouenne» pas. «Chouenner», en langage charlevoisien, signifie raconter
une histoire en se permettant quelques largesses. «Quand il fait
soleil, le contraste entre le bleu et le blanc des glaces est
extraordinaire», s'extasie le directeur de l'entreprise Katabatik, qui
offre des sorties en kayak été comme hiver sur le fleuve Saint-Laurent.
«D'entendre les morceaux se cogner, tous ces craquements-là, c'est aussi
assez impressionnant.»
S'il assure que l'activité est tout à fait sécuritaire, Sébastien Savard
admet que les sensations sont parfois fortes. «La situation la plus
trippante qu'on a ici, c'est lors du retour avec un vent de face et un
début de courant en marée montante, décrit-il. Tu as quelques glaces
contre toi et il faut que tu avances pareil. Tu as vraiment l'impression
d'être dans une pluie d'astéroïdes comme dans L'Empire contre-attaque!»
Les sorties en kayak hivernal sont offertes pour la huitième année
chaque fin de semaine, jusqu'à la mi-avril. La tenue de l'activité est
sujette à plusieurs conditions météorologiques, comme nous l'avons
appris à nos dépens puisque toutes nos sorties ont été annulées, malgré
plusieurs tentatives. La météo ne le permettait pas.
La première sortie hivernale de l'année, prévue le 23 février, puis
remise au lendemain, a finalement été annulée en raison d'un couvert de
glace trop mince.
«L'hiver, il faut regarder le vent, la température et le couvert de
glace, explique Sébastien Savard. S'il fait en bas de -15 °C, à un
moment donné, la notion de plaisir commence à être évacuée. Et si on n'a
pas d'eau, on ne peut pas pagayer.» Plus les semaines avancent, plus le
couvert de glace diminue, pour disparaître complètement vers la fin du
mois de mars.
Partant du quai du secteur de Cap-à-l'Aigle, les kayakistes se
dirigent vers la baie de La Malbaie, en passant devant une succession de
petites pointes rocheuses et une falaise impressionnante qui accueille
régulièrement des grimpeurs sur glace.
Le trajet de 8 km aller-retour n'est pas aussi extrême qu'il en a l'air.
«C'est une version de luxe qu'on offre aux gens, concède M. Savard.
Oui, on est dans un milieu inusité avec glace. C'est particulier de se
retrouver sur l'eau à ce moment-là de l'année, mais en même temps, à
cause d'une série de petites attentions au départ, on part les pieds au
sec et bien habillés.»
Katabatik fournit l'équipement nécessaire pour garder ses troupes au
chaud, soit des habits isothermiques, des manteaux de pagaie, des
mitaines et des bas en néoprène ainsi que des bottes de caoutchouc avec
feutre. La température de l'eau du fleuve se situe autour de 0 °C
l'hiver, comparativement à de 4 °C à 6 °C l'été.
Toutes les sorties se font à bord de kayaks doubles pour des raisons de
sécurité. Les kayaks deux places sont plus stables et ils sont plus
puissants parce que propulsés par deux personnes. «On peut traverser des
endroits où il y a une espèce de slush qu'on appelle frasil, explique
Sébastien Savard. Quand, tu es là-dedans, le kayak n'avance plus. Chaque
mètre, tu l'as à l'arraché. Tu es comme dans des sables mouvants. À
deux, tu es assez fort et tu peux continuer à avancer sans t'épuiser.»
C'est aussi pour des raisons de puissance que les sorties hivernales ne
sont pas ouvertes aux enfants de moins de 12 ans.
Bien que la flore soit ensevelie, la faune n'est quant à elle pas
endormie. Les sorties en kayak de glace permettent à l'occasion
d'observer des phoques et plusieurs espèces d'oiseaux comme des
guillemots et des canards eiders et cacaouis. «Des oiseaux qui nidifient
dans le Nord et viennent dans le Sud l'hiver, indique Philippe Lessard,
guide chez Katabatik. On est comme le Sud de quelqu'un, c'est l'fun!»
Coût de l'excursion: 85$ par personne