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Une semaine de kayak de mer pour traverser 200 km. A priori, notre lieu de départ était l’île d’Orléans, mais comme rien n’est jamais parfait (impossible de réserver un espace de camping), nous optons pour une nuit au camping du mont Sainte-Anne. Le départ aura lieu en arrière du centre Saint-Anne, paradis des surfers, non loin de la basilique de Sainte-Anne-de-Beaupré. En six jours, nous allons direction les Escoumins, la Haute-Côte-Nord.

 

 

Vendredi, le 16 juillet 2010

Mon frère vient me chercher chez ma copine à Saint-Félix-de Valois, c’est le début de l’aventure. Nous voulions partir de l’île d’Orléans, mais impossible de réserver un espace camping. Impossible de rejoindre le site par téléphone. Sur la route de Québec, nous discutons de la chose : Devons-nous obligatoirement partir de l’île d’Orléans ? Que dirais-tu de Sainte-Anne-de-Beaupré ? Nous sommes faibles, nous prenons l’option de rester sur la rive-nord du fleuve Saint-Laurent. Ainsi, nous pourrons faire des courses pour ce qu’il manque pour le voyage : de la bouffe et de la boisson. Ricard !!!

 

Camping du mont Sainte-Anne, soirée tranquille, bonne bouffe, bières et discussions devant les cartes marines. Nous savons notre point d’arrivée, mais je crois qu’il est impossible de dire exactement ou nous allons dormir de jour en jour. La météo étant ce qu’elle est, celle-ci, ainsi que les marées, sont les seules juges de nos journées.

 

Samedi, le 17 juillet 2010 – 10h45 haute mer

Sainte-Anne-de-Beaupré / Petit cap à l’Abbatis – Cap Maillard

Levez tôt, au ralenti, nous commençons à préparer le matériel. Un peu nerveux, nouveau kayak, le Neptune, je vais attaquer mes premières vagues. Nous faisons une halte au marché du coin. Nous avons tous ce qu’il nous faut, mais est-ce vraiment le cas ? Nous roulons sur la 138 et cherchons un endroit pour mettre à l’eau. Au loin, nous voyons une multitude de planchistes qui s’amusent derrière une école de Sainte-Anne-de-Beaupré :

-Va voir derrière l’école !

L’endroit est merveilleux, une petite baie pour mettre à l’eau tranquillement. Surtout avec tous le matos dans le kayak. Lourd lourd les kayaks… Ainsi débutera notre aventure de je-ne-sais-pour-combien-de-jours vers les Escoumins.

A chaque fois que je débute une randonnée en kayak, ma première heure de pagayage m’est toujours pénible. J’ai comme le sentiment d’être un moteur diesel qui demande toujours à rouler un peu avant d’être à son meilleur. Cette fois-ci, pour la première journée nous serons sur l’eau pendant 5 heures.

Paysage de vacance un peu partout, le mont Sainte-Anne sur notre gauche, l’île d’Orléans sur la droite et devant le cap Tourmente. L’objectif de la journée est plutôt simple, dépasser Sault-au-Cochon, ce qui veut dire que nous changerons de carte marine et que nous en aurons terminé avec celle de l’île d’Orléans. Or, changé de carte sera notre premier calvaire de ce voyage. Comme nous voyageons avec le jusant, après notre objectif de Sault-au-Cochon, les battures deviennent gigantesques. Le plus chiant, en kayak, est de porter tout le matériel dans le sable mouillé.

 

Environ 16h, le ciel devient de plus en plus gris et le vent d’ouest de 15 à 20 nœuds. Nous avons passé Sault-au-Cochon depuis un peu plus d’une heure et la recherche d’un campement est lancée. Finalement, mon frère trouve une petite ouverture dans la batture. Mince récompense, l’eau, peu profonde, nous fera économiser une trentaine de mètres sur les 400 que nous devrons marcher. Une petite plage assez haute, au pied du chemin de fer, sera notre emplacement (070 35’ 451’’ W 47 15 096 N).

L’orage est à notre porte, je vide le kayak, qui est dans la batture, et je prends l’équipement de camping et mon sac de couchage. 400 mètres à marcher, j’installe le tout avant d’être mouillé. Première cigarette de la journée, je retourne chercher mon kayak. Le vent est fort, ça gronde un peu, j’ai le plaisir de faire glisser mon kayak sur la batture. Corde de remorquage sur la proue, je suis le bovin de service.

Au pied du Massif de la Petite-Rivière-Saint-François, nous aurons droit à 30 minutes de pluie. Comme par enchantement, le tout ira sur la rive sud du fleuve. Un feu, une bonne bière, nous aurons droit à un ciel orange et gris, qui passe entre l’île d’Orléans et la rive sud, ainsi que quelques éclairs en spectacle. Au dessus de nos têtes, rien !

 

Dimanche, le 18 juillet 2010

Petit cap à l’Abbatis – Cap Maillard / Ile aux Coudres

 

Objectif plutôt simple aujourd’hui, l’île aux Coudres. Nous quittons notre campement à l’étale, quelques minutes avant le jusant. Belle journée, mais risque d’orage en fin d’après-midi. Encore une heure pour roder la machine, la question qui tue : prendre un cap entre le village de la Petite-Rivière-Saint-François (PRSF) et cap à Labranche ou attendre d’être plus proche de Baie-Saint-Paul pour traverser jusqu’à l’île aux Coudres ? Le but étant d’y aller en ligne droite et d’utiliser les courants, nous sommes paresseux.

Nous venons de passer le village de la PRSF et nous sommes à un mile de la berge. Un colibri, pendant le casse-croûte de barre tendre, vient prendre une pause de 45 secondes sur mes pagaies de secours. Il me regarde, regarde le large, il n’est pas trop certain, mais je bouge le moins possible. Finalement, mon frère qui arrive, mon colibri reprend son envol, direction le large et direction l’île aux Coudres. Nous sommes décidé, nous prenons le large, direction la pointe en amont de l’île (Cap-à-la-Branche).

Le vent se lève, des orages grondent en aval, mais tout cela restera devant nous. Comme si nous avions une bulle de beau temps au dessus de nos têtes. Le courant de marée est très intéressant, c’est assez rapide comme rythme. Nous sommes en direction de l’île quand soudainement, en amont, au loin, un gros bateau arrive. Avant nous le temps ? Plein gaz dans la rotation du tronc pour atteindre l’île aux Coudres, nous n’aurons pas le temps, nous ne sommes même pas encore dans l’enlignement. Ce qui veut dire que nous risquerons de nous retrouver en plein milieu de sa route. Comme il est plus gros que moi, je n’insiste pas trop. Changement de cap, nous retournons un peu plus vers la rive nord, pour laisser passer le gros. Une fois devant nous, nous recommençons la traversée. Cette fois-ci, au lieu d’atteindre la pointe en aval de l’île aux Coudres, nous passerons devant son phare.

Mon frère voulait s’y rendre, traversée en bac, car le courant de marée est assez puissant. Malheureusement, nous le regarderons d’une centaine de mètres. Ça descend vitesse grand V. Toutefois, consolation, nous avons notre premier béluga qui nous escortera pendant une bonne dizaine de minutes.

Deuxième campement du voyage, la jetée, stationnement, marina de l’île aux Coudres (070 26’ 666’’W 47 25’ 136’’ N). En fait, il n’y a personne. Pas un chat. Au loin, à 300 mètres, le quai du traversier.

-Si tu vas chercher de la bière(s), je paye !

Il ne faut jamais me prendre par les sentiments. Jolie marche d’une quarantaine de minutes entre la marina et le marché (cela fait du bien après le kayak), nous aurons droit à des chips Ruffles all-dress et un pack de 12 Budweiser en apéro.

-Excusez-moi monsieur ! Vous faites la livraison ?

-Pourquoi ? Ça dépend ?

-J’arrive de Québec en kayak de mer, direction les Escoumins, et nous campons dans le stationnement de la marina.

-Pas de problèmes mon homme. Fait tes courses, ça va me faire plaisir d’aller te reconduire. Prend ton temps…

Notre discussion fut un peu plus intéressante avec plein d’enseignement sur l’île. Ce fut vraiment un plus que de rencontrer le patron du marché. Il nous indique que personne ne va jamais à la marina, que nous y serons tranquille pour y passer la nuit.

Il est environ 17h, le tout est installé. Cul sur les roches, une bière en main, nous regardons le fleuve, Baie-Saint-Paul, les montagnes, les traversier qui vont et viennent, C’est la belle vie quoi !

 

Lundi, le 19 juillet 2010

Ile aux Coudres / Cap-aux-Oies

Petit vent de 10 à 15 nœuds. À partir des prochains jours, nos journées seront calmes. Jamais de gros vent, du kayak de mer pour « ma-tante ».

Avertissement d’orage en après-midi, nous quittons une demi-heure avant l’étale et le jusant. Direction la rive nord du Saint-Laurent. Pour ce faire, nous devons passer le quai du traversier de l’île aux Coudres, ne pas être dans son chemin. Alors nous allons nous rendre jusqu’au environ de la pointe à Mailloux pour suivre un cap (azimut ou route) qui se situe entre le clocher d’église des Eboulements et le cap Martin.

Un seul problème, comment est le trafic maritime ? S’il est possible de voir les bateaux qui montent le fleuve à partir de Cap-aux-Oies, nous ne savons rien des bateaux qui descendent. L’île aux Coudres, par sa forme, nous empêche de voir si un bateau arrive. Impossible de rejoindre la garde côtière via ma radio vhf, je demande au Radisson (un des deux traversiers). Sympathique le capitaine, pas de trafic descendant pour quelques heures. Tout est beau, calme, nous revenons sur la rive nord. Avec la merveilleuse idée de mon frère de toujours quitter trop tôt, nous ne profiterons pas trop des courants de marées. Une heure de rame pour la traverse. Trop long…

Annonce d’orage, mais rien de menaçant pour le moment, la discussion débute : nous continuons ou est-ce que nous restons ici ? Nous venons de passer le phare de Cap-aux-Oies et l’endroit semble génial. Toutefois, nous n’avons pas fait beaucoup de miles aujourd’hui. Bref, cela sera notre journée relax de ce voyage, un petit huit miles.

Au pied du phare, un simple poteau de 16 mètres de hauteur, nous rencontrons deux couples montréalais. Petit verre de vin tranquille, c’est toujours rigolo quand tu vois des gens au virage d’un cap. J’ai toujours l’impression de surprendre les gens, les prendre sur le fait. Comme ce petit couple de gai nu comme le premier jour, le lendemain, au détour d’un caillou, qui s’apprêtent à prendre une baignade dans le fleuve :

-Bonjour, ça va ?

Inutile d’attendre la réponse. Je pense que l’on dérange.

Une belle plage de roche (070 13’ 50’’ W 47 29’ 30’’ N), nous serons à l’abri. Cap-aux-Oies, excellent choix. J’ignore s’il est permis de camper sur les berges, mais dans la forêt, juste derrière : Propriété privée. Quelques panneaux pour annoncer la chose, dont ma favorite « Attention ! Chasseur à l’affût. » Nous resterons sur les cailloux. Une tente, une bâche pour se mettre à l’abri de la pluie, un feu et un nid de guêpes comme voisin.

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Mardi, le 20 juillet 2010

Cap-aux-Oies / Cap-au-Saumon

Maintenant, nous attaquons. Fini les courtes journées, nous allons attaquer les miles marins vers notre objectif : Le Paradis-Marin. Pas une journée de moins de 20 miles marins, nous allons travailler. On va ramer.

Le truc intéressant avec le fleuve, nous avons toujours un branchement avec nos téléphones portables. Texto quotidien pour donner des informations sur nos journées, j’en profite pour communiquer avec ma copine. Elle me manque, mais notre voyage lui semble un peu trop lourd pour ses bras. Bref, je lui raconte nos journées via textos. Nous serons sur Saint-Siméon dans deux jours, je lui demande si elle veut venir nous rejoindre. Plusieurs échanges de textos, rendez-vous entre 14h et 16h sur la plage.

Quand tu es en kayak, il n’est pas simple de donnez une heure précise. Tu ne sais jamais ce que la température te réserve. Un vent de face peut parfois retarder un peu l’agenda et nous sommes les disciples des marées. Nous profitons des courants, alors nos départs sont calculés.

Premières heures, destination Saint-Irénée. Nous manquons d’eau et il est plus simple de s’arrêter au village que de passer une heure à pomper d’une source. Côté eau, nous serons assez chanceux de trouver un endroit pour remplir nos bouteilles. Sauf le premier jour, pompage d’eau dans une source, nous utiliserons toujours l’eau des robinets : accueil des traversier à l’île aux Coudres et Saint-Siméon, dépanneur à Saint-Irénée et marina des Bergeronnes. Personnellement, j’ai environ 6 litres d’eau en réserve dans le kayak et mon sac kokatat de 1,5 litre dans le dos. Pendant une journée de 5 heures sur l’eau, mon sac kokatat y passe et mes seules protéines seront 2 à 3 barres tendres dans la poche de ma veste de flottaison. Faut dire que nos déjeuners sont habituellement assez remplis pour pouvoir passer la journée.

Le plein est fait, nous quittons la plage de Saint-Irénée. Lentement, nous passons la Malbaie. Le rythme n’est pas fameux à cet endroit, environ 4 noeuds, nous allons de plus en plus vers le large. Une fois passé Pointe-au-Pic, les courants deviennent de plus en plus intéressants. Il nous reste environ 3 heures de jusant, nous allons pagayer encore 2 heures pour ensuite débuter la recherche d’un campement.

Après la Malbaie débute le parc marin du Saint-Laurent. En guise de bienvenue, nous avons quelques bélugas qui nagent tranquillement ici et là. Ils ne sont pas très loin, il est possible de les observer et de les entendre respirer, mais ils ne s’approchent nullement des kayaks. Nous ne cherchons pas, d’ailleurs, à nous en approcher. Nous les laissons tranquille. Si parfois, un béluga s’approche de nous, nous arrêtons de pagayer. Il ne reste que quelques instants avant de disparaître sous l’eau.

 

Recherche d’un campement, se rapprocher un peu plus de Saint-Siméon, nous trouvons un rocher assez intéressant non loin de Cap-au-Saumon. Un peu en amont du phare, tout mignon (069 55’ 187’’ W 47 45’ 187 N).

 

 

Mercredi, le 21 juillet 2010

Cap-au-Saumon / Anse Saint-Etienne

 

Dernier morceau de jambon, c’est la catastrophe ! Malgré que j’en ai eu ma dose de jambon, pour ne pas dire mon overdose, le jambon de monsieur Geoffroy est magique ! Petite boucherie à Saint-Félix-de-Valois, le processus de transformation est complet et le tout est fait maison. De l’abattoir à la transformation, la recette de ce jambon est de le fumer un peu plus. Doublement fumé pour doubler sa conservation. Ensuite, en paquet de un kilo, emballé le tout sous vide. Et pas des petites tranches comme dans un sandwich, mais le morceau d’un kilo complet sous vide. Avec mes œufs dures dans le vinaigre, en pot de conserve, la miche et le jambon coupé avec nos couteaux, c’est la vie de coureur des bois.

Comme nous ne partons jamais après le déjeuner, nous avons le temps de digérer longuement. Nous nous réveillons habituellement tôt, ce qui veut dire que nous avons un bon moment avant l’étale et le jusant. De plus, il n’est pas évident de dormir dans une tente quand le soleil se lève. Trop chaud la plupart du temps, nous attaquons le café dans les environs de 7 ou 8 heures. Par expérience, je n’aime pas prendre la mer peu de temps après le déjeuner, c’est un peu lourd. Mais cette fois-ci, le timing est excellent.

Départ en douceur, nous descendons de notre caillou. Haute mer, il est agréable de ne pas se taper les roches avec les algues. Le tout est vraiment glissant, comme du savon, quand nous arrivons habituellement à basse mer. Avec des kayaks remplis à raz bord, c’est l’un des exercices que je déteste à chaque fois.

Nous passons devant le magnifique phare du Cap-au-Saumon, je prends le temps pour quelques photos. Charmant et tout rouge, avec ses maisons et garages. Port-au-Persil, nous passons rapido, Saint-Siméon est au loin, nous voyons son quai et le traversier qui quitte pour Rivière-du-Loup. Saint-Siméon sur mer, la plage et son merveilleux camping de caravanes et de roulottes. Du vrai camping. Étrangement, sur la plage, comme à Saint-Irénée, beaucoup de monde, mais personne pour la baignade. L’eau est, comment dire, « Frette en s’tie ! » Prise de température, pas loin du 8 à 10 degrés Celcius…

-Fjord Juliette, Fjord Juliette, ici Neptune, Neptune. Répondez ?

-Neptune, ici Fjord Juliette, j’arrive !!!

La copine qui arrive, elle ira nous attendre au Paradis-Marin. Tout content, gros câlin. Sans oublier son sac de fromage cheddar en crotte qui va se faire bouffer. Comme deux mouettes, nous sautons sur le sac. Un produit frais du terroir, qu’est-ce que je n’aurais pas donné pour une frite. Très santé parfois nos voyages.

Hiatus de deux heures, nous en profitons pour faire le plein d’eau et d’aller faire quelques courses. Certains trucs à bouffer, dont l’essentiel Chips au BBQ Ruffle et un pack de Budweiser. Ce soir, nous allons passer notre dernière nuit de voyage avant l’arrivée aux Bergeronnes. Est-ce que j’ai précisé qu’il me restait un fond de bouteille de rhum de Jamaïque ?

 

Bisou, câlin, nous retournons sur l’eau. Direction Cap de la Tête-au-Chien, nous allons nous rapprocher le plus possible de la batture aux hirondelles. Changement de programme, j’ai calculé mon truc, nous allons traverser le fjord du Saguenay aux alentours du jusant.

A la recherche du dernier campement, nous tombons sur un endroit plutôt mignon avec la rencontre de notre première baleine: Anse Saint-Etienne (069 46’ 694’’ W 47 58’ 773 N).

Estran de cailloux et d’algues, un calvaire pour monter les kayaks. Je prends l’option du paresseux pour une heure ou deux, prendre une bière, fumer quelques cigarettes. Une fois par demi-heure, puisque la marée monte, j’approche mon kayak un peu plus. Je suis en vacance, il n’y a pas le feu au lac…

 

Jeudi, le 22 juillet 2010

Anse Saint-Etienne / Les Bergeronnes

 

Dernière journée, mais celle qui demande le plus de préparation. A priori, il faut éviter la batture des Alouettes et ensuite traverser l’embouchure du fjord du Saguenay. Entre côte Sainte-Catherine et Tadoussac, si nous arrivons au plus fort du jusant, les courants peuvent facilement vous transporter vers le large. Plusieurs options de traverser, nous avons pris l’option ou les marées sont au plus calme.

Haute mer, Tadoussac, 12h50. Nous sommes à environ 12 miles du fjord, nous quittons l’anse Saint-Etienne à 9h. Contre la marée qui monte, nous prenons l’option de longer la berge et ses falaises pour moins se battre contre le courant. Une technique que nous connaissons bien, car notre terrain de jeu favori sur Montréal est l’île Notre-Dame et l’île Sainte-Hélène. Comme le courant du chenal du cosmos et le courant Sainte-Marie sont plutôt sérieux, il est facile de remonter le fleuve en longeant les berges. Assez rapidement, plus rapide que je le pense, nous arrivons à l’embouchure du fjord vers midi. La journée est radieuse, pas trop de vent, la traverse se fera une heure avant l’étale.

Communication avec Trafic Escoumins, je tiens à savoir si un bateau ne va pas sortir du fjord en direction du haut-fond Prince. Je suis toujours à me demander si un simple kayakiste peut communiquer avec la garde côtière sans trop la déranger. Qui sommes-nous, au fait ? Un simple kayak parmi une multitude qui ornent les environs de Tadoussac, je tente quand même ma chance :

-Garde côtière, ici kayak de mer sur la voie 26, répondez…

Je fais une demande d’information sur le trafic maritime à l’embouchure du fjord, une charmante voix me répond que je devrais passer sur le canal 10, trafic Escoumins, je recommence :

-Trafic Escoumins, ici kayak de mer, répondez ?

-Kayak de mer, ici trafic Escoumins, à vous…

-Bonjour, j’aimerais savoir s’il y du trafic maritime qui descend le fjord pour se rendre sur le fleuve. A vous…

-Kayak de mer, aucun trafic qui descend le fjord. Toutefois, comme il est midi, les bateaux de croisières et les autres zodiacs reviennent de leurs excursions aux baleines. A vous…

-Rogers ! Merci beaucoup pour l’information, je note le tout. Terminé !

-Aux plaisirs. Bonne route. Terminé !

Passé midi, le fjord à traverser, une multitude de bateaux, de tous les formats, arrivent du large. C’est le retour des excursions aux baleines. Un débarquement qui s’en vient, je reste non loin de la Pointe-Noire. Objectif l’autre côté, Pointe-Rouge, batture aux Vaches, Nous prenons une pause, l’on dirait Montréal avant les feux d’artifices. Une autoroute ! Laissons passer tous ces bateaux. Après 20 minutes, c’est le départ. Agréable et relax, pas trop de courants, sauf les vagues de bateaux. Surtout celles de la famille Dufour et de l’AML, Cavalier Maxime. Jolies vagues, les proues de nos kayaks pointent le ciel malgré les charges.

Mon plus sérieux questionnement sur ce voyage, traverser le Fjord. J’ai tellement lu sur le sérieux de la chose, cauchemardesque pour les bras, maintenant rien. Est-ce le beau temps, le moment d’étale ? Aucune vague et aucune bataille contre le courant, nous arrivons de l’autre côté sans problème. Il est même agréable de s’arrêter en chemin et de regarder le fjord, Tadoussac, les traversiers en amont et la multitude de bateaux qui ornent ce plan d’eau. Vraiment joli. Moment de carte postale, l’appareil photo en main.

 

La Basse-Côte-Nord, Putain ! J’ai la larme à l’œil. Nous arrivons finalement non loin de notre destination. Encore quelques miles et ce voyage sera terminé. J’aime bien quitter, mais j’aime bien, aussi, arriver à destination. Pour tout vous dire, j’ai faim. Je suis sur l’eau depuis quatre heures et je veux des protéines. Contrairement à nos autres matins, je n’ai pas eu mon déjeuner cochon. Plus d’œufs, plus de jambon, les trois barres tendres et le morceau de bison séché ne me semble pas assez. Brièvement, je m’en rends compte maintenant, il en faut de la bouffe pour ces longues expéditions. Je pagaie et j’ai faim…

 

-Sylvain, j’ai faim !

Pas trop de courant, nous naviguons relax dans le brouillard (environ 4 nœuds à l’heure). J’essais de prendre le large, je n’ai plus trop d’énergie. Le fond de l’eau est merveilleux et vert. Qu’est-ce qu’il doit être agréable de plonger dans ces eaux froides. Au moins 30 à 40 pieds visibilité. Après une heure, nous voyons les Bergeronnes au loin. Mon frère me regarde, il a atteint sont but :

-On arrête aux Bergeronnes et nous téléphonons la copine ?

Julie est au Paradis-Marin, j’essaye de la rejoindre via ma radio vhf

-Fjord Juliette, ici Neptune, répondez ?

Aucune réponse. Direction la marina des Bergeronnes, nous savons que nous pourrons lui téléphoner avec nos portables. Ça change d’autres expéditions, quand les cellulaires ne fonctionnent pas.

 

-Bonjour mon cœur, est-ce que tu peux venir nous chercher à la marina des Bergeronnes ?

Ainsi se terminera notre voyage de six jours…